Réflexions du 6 décembre 2020

Dans ce temps où nous attendons le Seigneur, aurions-nous besoin de nous défaire des mots et des images par lesquels nous tentons de le contenir pour nous laisser surprendre par sa rencontre?
D'après Marc 1: 1 à 8
Pour ce culte un peu particulier, dans une configuration inhabituelle pour nous, j’ai aussi eu envie d’un style de prédication un peu différent de ce que je fais d’habitude. Je n’ai pas tant pensé et écrit un texte où la logique se déroule comme un tapis rouge devant des stars. J’ai plutôt travaillé à la manière d’un impressionniste. Par petites touches. Pour vous partager des impulsions sur lesquelles nous pourrons échanger.
 
Pour ce faire, j’ai retenu deux éléments du récit de Marc.
 
Tout d’abord : « Préparez le chemin du Seigneur »… Une invitation classique du temps de l’Avent. Et pourtant, un étonnement : On pourrait imaginer que, si c’est vraiment un Seigneur que nous attendons, ou puisque c’est vraiment notre Seigneur qui vient, alors on pourrait imaginer qu’à ce titre, il est assez grand pour tracer sa voie tout seul.
Qu’il n’a pas besoin de nous pour mettre en scène son arrivée…
 
Et pourtant, nous somme requis pour des préparatifs.
Nous sommes requis pour préparer son chemin, pour lui faire des sentiers bien droits. Si on reprend les mots d’Esaïe, pour que les vallées soient réhaussées et les montagnes nivelées.
 
On pourrait en déduire un peu rapidement que le Seigneur est à tel point engoncé, empêtré, dans ces nombreux titres honorifiques, qu’il méconnaît le b.a. ba de toute vie : la marche. Un pied devant l’autre.
Et je me souviens, petite, m’imaginer en habit orange de cantonnier pour préparer la route ; je ne savais pas bien laquelle mais dans mes rêves, c’était la grande route qui allait de Bussigny à Crissier, là où il y avait le nouveau centre Migros.
 
Aujourd’hui, je comprends cette préparation du chemin du Seigneur, différemment. Je la comprends non comme un travail de cantonnier qui veille à l’état des routes… mais comme un travail sur moi ; un travail en moi. La route à préparer, ce n’est pas du bitume à l’extérieur…c’est ma propre personne.
 
Les évangiles nous le disent tous : Jésus ne peut pas tout, tout seul. Il apporte l’essentiel, mais pour l’accueillir dans notre vie, nous avons besoin d’être préparés.
Nous avons besoin de nous désencombrer, de dégager de l’espace, d’aplanir les reliefs de nos humeurs, de nos émotions, de ne pas envahir l’entier de notre propre espace de manière à laisser de la place pour Celui qui vient nous rencontrer, nous accompagner, et qui veut bien loger dans notre cœur.
 
« Préparer les chemins du Seigneur » devient ainsi « dégager une route en soi pour l’accueillir. Car c’est sûr, il est en route, il vient ! »
 

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2ème sujet de partage ce matin : Jean prêche dans le désert et, visiblement, il y a du monde pour l’écouter. Dans moon idée, le désert, ce n’est pas là où il y a foule.
 
Nos représentations du désert, c’est plutôt un lieu vide, tantôt fascinant, parfois effrayant.
Le peuple d’Israël y a erré 40 ans ; Jésus 40 jours.
Dans l’histoire du peuple des Hébreux, le désert, c’est aussi le lieu où Dieu se révèle à Moïse .
 
Les mots, en hébreu, déroulent souvent leur sens à la manière d’un escalier et de ses marches successives. Le désert n’y échappe pas. En hébreu, ça se dit Midebar. Mais « Midebar », à côté de « désert », ça veut dire d’autres choses encore :
 

  1. Midebar, le désert, peut se lire en deux mots :min-dabar, littéralement « en dehors (minde  la parole (dabar) ».

 
Est-ce à dire que, dans ce temps où nous attendons le Seigneur, nous aurions besoin du désert, d’un désert, comme d’un lieu en retrait du flot de paroles qui nous assaillent quotidiennement, du bruit, du brouhaha qui nous entoure de façon incessante ?
 
Et, si je vais plus loin, un lieu en retrait des discours convenus, de ce que l’on a toujours pensé et dit sur Dieu, sur la vie, sur nous… Autrement dit, aurions-nous besoin de nous défaire des mots et des images par lesquels nous tentons de contenir Dieu pour nous laisser surprendre par sa rencontre…
 

  1. Midebar, min-dabar, c’est donc littéralement « hors de la parole », mais c’est aussi « ce qui sort de la parole », ce qui en sort de bon et que l’on retient.

 
Un peu ce que nous faisons ici, dimanche après dimanche, et peut-être à un autre rythme à la maison, en lisant et relisant la Bible, Parole de Dieu qui nous rejoint en bonne part. Qui nous rejoint pour la vie ! On la lit, la médite, on s’en éloigne, on y revient ; on la laisse nous rejoindre. On la dévore et la digère.
 
Mini-parenthèse : la manne, ce pain dont les Hébreux sont nourris dans le désert, la « manne » c’est littéralement du « qu’est-ce que c’est que ça », de l’interrogation.
Au sortir de l’Égypte, Dieu nourrit son peuple par un questionnement quotidien.
 

  1. Enfin, ce mot midebar,c’est encore la bouche et la langue, l’organe avec lequel on parle, la source de la parole.

 
Alors, si Jean prêche dans le désert et qu’il nous y invite, c’est peut-être pour nous asseoir à la source même de la Parole de Dieu...
… non pas rester assis sur de vieilles histoires contenues dans la Bible avec l’impression de les connaître et d’en avoir fait le tour.
Mais s’asseoir à la source de la Parole pour être en lien direct Dieu qui nous rencontre et nous façonne.