Prédication du 23 avril, À la croisée des chemins, la Vie!

 

Deux cortèges qui se croisent…

° Celui de Jésus, entouré de ses disciples et d’une foule subjuguée, qui aborde la ville de Naïm ; °° puis, le cortège mortuaire qui en sort : une veuve, accompagnée de ses proches, qui pleure la mort de son fils unique.

Le cortège messianique de celui qui proclame le salut du peuple, et cet autre cortège où s'étale ce qu'il y a de plus poignant dans la détresse humaine.

Jésus ne peut rester insensible. Non seulement, parce que ce deuil, celui du fils unique d'une veuve, est particulièrement tragique, mais parce qu'il ne peut pas ne pas lui rappeler ce qu'il est venu accomplir sur terre.

S'il y a quelque part un miracle à faire, c'est bien ici. Un miracle, c'est-à-dire un signe concret, un sacrement du salut.

Ce fils unique, pleuré par sa mère, c'est lui, Jésus. La ressemblance ne peut pas lui échapper. Peut-être, à travers l'image de cette femme courbée sous la douleur, a-t-il vu d'avance la silhouette de sa propre mère, Marie, la Pietà, debout sous la croix, ou assise devant celle-ci, tenant le corps de son enfant bien-aimé étendu sur ses genoux ? L'évangile le dit clairement : à la vue de cette veuve en pleurs, « les entrailles de Jésus s’émurent ».

Peut-être aussi, à travers le deuil de cette veuve, s'est-il souvenu d'un autre amour blessé, celui du Père d'un autre Fils unique : l'amour de son propre Père, le trop grand amour qui n'a pas épargné le Fils de ses entrailles, mais qui l'a livré pour nous tous ; et livré pour qu'il soit prochainement mis à mort?

Jésus ne peut pas rester insensible à ce couple douloureux, à cette mère-veuve et à son fils unique, décédé, que l'on porte en terre, car à travers eux il fait face à son propre destin et à son propre mystère.

Toute la douleur humaine et toute la douleur divine se trouvent résumées dans une pareille icône : le fond de la détresse humaine, et le fond de la détresse de Dieu.

Là est précisément ce qui a amené Dieu, dans un excès d'amour pour l'homme, à se séparer de son Fils unique, pour l'envoyer au cœur de la détresse humaine, au cœur même de la mort, afin qu'il épouse l'une et l'autre, et que, ressuscitant, il arrache l'homme à la déchéance et à la mort, pour le faire passer à tout jamais dans la vie nouvelle de Dieu.

 

 

Jésus, la mort ne l'embarrasse pas. Mais elle le remue jusqu'aux entrailles, parce que Jésus est venu sur terre pour affronter la mort, et qu'elle lui rappelle l'amour. L'amour de son Père d'abord, qui l'a précisément envoyé pour elle ; l'amour douloureux de sa mère, ensuite, qui, un jour, en le portant une dernière fois sur ses genoux, aura à soulever la souffrance du monde entier ; puis, finalement, son propre amour.

Jésus aussi nous a aimés, et il est sur le point de se livrer pour nous. Car il n'y a plus d'autre moyen pour nous aimer, plus d'autre chemin pour nous rejoindre, il n'y a plus d'autre signe du plus grand amour que celui de donner sa vie pour ceux qu'on aime.

Les deux cortèges vont ainsi se croiser : le cortège de Jésus et le cortège du mort. Celui qui vient annoncer la vie ne peut pas ne pas affronter cette mort ; c'est-à-dire accepter d'entrer en elle, la prendre sur lui, pour en ressusciter et rendre à la vie tous ceux qu'elle avait engloutis. C'est ce qui vient de se passer sous nos yeux, comme une annonce de cette Pâque vers laquelle Jésus se hâte déjà : « Jeune homme, je te le dis : lève-toi. »

Et c'est ce qui se passera, un jour, pour l'humanité entière, et pour chaque homme, pour chacun de nous, en particulier. A peine aurons-nous été frôlés par la mort, que nous nous trouverons face à Jésus, merveilleusement. Car, depuis Pâques, la mort n'est plus dans la mort. Elle a été vaincue, elle est comme « expulsée » de son propre lieu. C’est Jésus maintenant qui y habite et qui nous y attend, pour nous ressusciter à notre tour, pour la vie d’éternité.

La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu…

Après la réanimation du jeune homme, il y a l’étonnement, mais aussi la louange !

Vivons-nous dans l’action de grâce, la reconnaissance, la louange ? Lorsque nous nous retrouvons à la Table sainte, c’est que nous rendons grâce pour la vie, la mort et la résurrection du Christ, pour sa Vie en nous et autour de nous.

Fixer notre regard sur le Christ, et dire, même imparfaitement, notre reconnaissance… Alors renaît la Vie, ta vie en nous !

 

Christ Jésus, en acceptant la mort sur une croix tu as porté la paix et l’amour de Dieu jusqu’aux plus profondes ténèbres de l’humanité, jusque dans l’absurdité de la violence et de la haine. Et Dieu t’a relevé de la mort, tu es vivant et désormais proche de chaque être humain, en particulier de ceux qui souffrent. Tu fais de nous un peuple, avec toute notre diversité, cheminant dans l’espérance ferme d’une nouvelle création, d’une terre nouvelle où régnera la justice. Loué sois-tu de nous communiquer ta joie.

Amen.

(avec des éléments d’un commentaire d’A. Louf)