Prédication du 1er décembre, "Descends, si t'es un homme!"

 

Dimanche 1er décembre Cathédrale

Descends si t’es un homme ?

Ainsi parle la petite frappe de bas-quartier qui bombe 

le torse et veut faire le coup de poing.

Ainsi parle le caïd qui défie un rival et qui joue les durs.

 

Il y a de la testostérone dans ces mots.

Cette expression, apparemment anodine, véhicule une image de l’homme et en creux une image de la femme.

 

Descends, si t’es un homme !

Sous-entendu si tu n’es pas une chochotte, une femmelette, une mauviette !

Viens qu’on s’explique !

 

Descends, si t’es un homme !

Sous-entendu, un vrai, ce qui signifie dans notre esprit un homme fort, viril, puissant, car c’est ainsi que l’on s’imagine un vrai homme.

Viens que l’on se mesure l’un à l’autre.

 

Il y a aussi une part de misogynie et une part d’homophobie dans ces mots qui annoncent un combat de coqs.

 

Si j’ai choisi cette expression qui tient plus de l’argot de rue que du petit Littré …

 

… si j’ai choisi cette expression comme « exergue » à cette prédication, c’est parce que dans la foi chrétienne, nous confessons qu’un jour Dieu s’est fait homme.

 

Autrement dit … qu’un jour Dieu est descendu.

 

Je dis « descendu », parce que dans notre imaginaire Dieu ne peut-être qu’au-dessus de nous.

 

Dire de Dieu qu’il s’est fait homme, c’est dire qu’il est descendu des cieux.

Descendu de son trône.

Descendu du rebord du monde, où il était assis.

Descendu … de toutes ses hauteurs dans lesquelles nous aimons à le confiner.

 

La foi chrétienne repose sur cet improbable retournement.

Improbable retournement parce que l’on peine à comprendre pourquoi Dieu a quitté son Royaume pour venir dans ce monde qui est le nôtre, avec tout ce qu’il a de beau et tout ce qu’il a de moche.

 

Improbable retournement parce que l’on peine à comprendre pourquoi Dieu, l’Éternel, lui qui est sans début ni fin, a-t-il choisi de naître et donc de se soumettre à l’implacable temps qui passe qui use et mène irréversiblement à la mort.

 

Improbable retournement parce que l’on peine à comprendre pourquoi Dieu qui est souverainement libre a-t-il accepté de s’astreindre à l’attraction terrestre et à notre pesanteur, qui plus est pour se faire serviteur.

 

Cela dépasse notre entendement.

 

Alors je m’interroge.

Qu’est-ce qui a bien pu pousser Dieu à quitter les attributs de sa divinité ?

 

Voulait-il relever un défi que lui aurait lancé l’homme ?

En forme d’ultimatum ?

 

On pourrait le penser, car on ne peut pas le nier, il y a entre Dieu et l’homme, entre l’homme et Dieu une telle accumulation de brouilles ancestrales, de rivalités, de malentendus, de déceptions réciproques que l’humain a souvent cherché Dieu pour l’assigner à comparaître.

 

« Où est-il ton Dieu ? »

Telle est la question de sceptiques moqueurs dont les psalmistes se font l’écho dans les psaumes.

 

Où est-il ton Dieu ?

Qu’il se montre s’il ose !

 

Descends si t’es un homme !

Viens t’expliquer ?

Viens te justifier ?

 

Selon l’auteur de l’épitre aux Philippiens, ce n’est pas pour cela que Dieu s’est fait homme.

 

Dieu ne s’est pas fait homme pour répondre au défi que lui aurait adressé des insolents.

Dieu ne s’est pas fait homme pour venir témoigner à son procès.

Rien de tout cela.

Mais Dieu s’est fait homme pour se mettre au service des humains et du monde.

Pour dire cet improbable retournement, l’auteur choisit un vocabulaire bien étrange pour un Dieu.

 

Il parle d’un dépouillement et d’un abaissement.

 

Ce vocabulaire est déconcertant.

 

Un Dieu qui s’abaisse est-il encore un Dieu ?

Un Dieu qui se dépouille est-il encore un Dieu ? 

 

Dans nos esprits un Dieu qui tiendrait son rang, c’est un Dieu qui viendrait clouer le bec aux orgueilleux.

 

Dans nos esprits, un Dieu qui tiendrait son rang, c’est un Dieu qui viendrait s’expliquer avec les sceptiques une bonne fois pour toutes.

 

Dans nos esprits, un Dieu qui tiendrait son rang, c’est un Dieu qui viendrait régler leurs comptes aux méchants si ordinaires qui peuplent notre monde et qui se complaisent sans vergogne dans l’injustice, la violence et les bassesses.

 

On veut bien croire en Dieu.

Mais pas en un Dieu rétréci, atrophié, qui courbe l’échine.

On veut bien croire en Dieu, mais pas en un Dieu abaissé, dépouillé.

 

Certes, on veut bien croire en un Dieu qui vient à nous, mais ce doit être alors un Dieu bien bâti, un Dieu qui ne craindrait pas de retrousser les manches pour venir remettre de l’ordre dans ce monde chaotique.

 

Alors oui, qu’il est étrange ce Dieu qui se dépouille, s’abaisse et se fait serviteur.

 

Qu’il est étrange ce Dieu qui a le mauvais goût de ne pas être comme on aimerait qu’il soit !

 

Un Dieu qui se dépouille et s’abaisse ne serait-il pas au fond qu’une caricature de Dieu ?

Une parodie de Dieu ?

 

Une citation de la rabbine Delphine Horvilleur m’a aidé à comprendre – un peu - ce Dieu atténué qui vient à nous.

Ce Dieu assez fou pour s’exposer à nous dans le dénuement.

 

Elle écrit :

Il faut être sacrément grand pour être

en mesure de se dire tout petit.

 

N’est-ce pas ce que Jésus a fait en s’identifiant aux plus petits parmi nous ?

Jésus en qui nous reconnaissons Dieu qui se fait homme ?

Jésus – le Christ - ne s’est-il pas identifié à ceux qui sont nus.

A ceux qui ont soif et faim.

A ceux qui sont malades ou en prison.

A ceux que l’on méprise.

A ceux qui n’ont rien et qui ne sont rien.

 

N’y-a-t-il pas quelque chose de grandiose dans ce renversement.

Quelque chose de majesteux et de puissant dans ce Dieu qui fait résolument passer les autres avant lui.

 

N’y-a-t-il pas quelque chose d’infiniment noble dans ce Dieu qui affirme être venu non pas pour être servi mais pour servir.

 

N’y-a-t-il pas quelque chose d’inédit, d’inouï dans ce Dieu qui choisit d’être librement Dieu à contre-emploi.

N’y-a-t-il pas quelque chose digne dans la façon de vivre et de mourir qu’a eue Jésus. 

Une façon de vivre à la fois si résolue, si ferme, mais aussi si peu encombrante et si peu accablante.

 

Une chose est sûre, Dieu ne s’est pas fait homme pour soigner son image, son profil.

Se montrer à nous sous meilleur angle !

Ce n’eut été alors que la manifestation d’un Dieu préoccupé par lui, centré sur lui.

 

Dieu ne s’est pas fait homme pour redorer son image de marque, mais simplement pour nous révéler qu’il y a une autre manière d’être homme en ce monde que d’y jouer des coudes pour en découdre.

 

Ce qui Dieu qui se fait homme et qui vient à nous est puissamment délicat.

Puissamment altruiste.

Puissamment pacifique.

 

Voilà l’homme.

Non pas une parodie.

Non pas un trompe-l’œil.

Mais l’homme véritable, l’homme accomplis, 

l’homme fort de la seule puissance qui vaille, celle de  de se savoir aimer et de se donner sans compter.

 

Dieu s’est fait homme pour insuffler en nous le désir de le devenir à notre tour. 

Simplement.

 

Il nous faudra bien plus que quatre dimanches de l’Avent et les fêtes de Noël pour nous laisser poliniser par lui.

 

AMEN

JEAN 1,v1,14,16-18

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. (…)

Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire,

cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père.

De sa plénitude en effet, tous, nous avons reçu, et grâce sur grâce.

Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a dévoilé.

RÉPONS D’ORGUE

PHILIPPIENS 2,5-11

Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ : lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu.

Mais il s'est dépouillé,

prenant la condition de serviteur,

devenant semblable aux hommes,

et, reconnu à son aspect comme un homme,

il s'est abaissé,

devenant obéissant jusqu'à la mort,

à la mort sur une croix.

C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé

et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom,

afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse,

dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c'est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père.

 

 

JEAN 1,v1,14,16-18

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. (…)

Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire,

cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père.

 

De sa plénitude en effet, tous, nous avons reçu, et grâce sur grâce.

Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a dévoilé.

PHILIPPIENS 2,5-11

Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ : lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu.

Mais il s'est dépouillé,

prenant la condition de serviteur,

devenant semblable aux hommes,

et, reconnu à son aspect comme un homme,

il s'est abaissé,

devenant obéissant jusqu'à la mort,

à la mort sur une croix.

C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé

et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom,

afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse,

dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c'est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père.