« Il ne restera pas pierre sur pierre ». Parole de Jésus au sortir du Temple. « Tout sera détruit », par Jean-François Ramelet, pasteur
J’en conviens, ce n’est pas forcément ce que l’on
aimerait entendre à la veille du 20 octobre, où ici
même, demain l’on commémorera, jour pour jour
les 750ans de la consécration de la cathédrale.
Les lausannois faisaient-ils allusion à ces paroles
de Jésus lorsque dans les années 80, ils
scandaient « rasez la cathédrale, qu'on voie le
CHUV ! »
Il est vrai qu’un temple peut en cacher un autre.
La silhouette de la cathédrale est emblématique
de la capitale vaudoise.
Et nous sommes toutes et tous attachés à ce
monument gothique le plus visité de Suisse et
reconnu loin à la ronde pour son style et sa
beauté.
Dans un monde en crise, où l’on se plaît à
déconstruire, à démolir, à casser, la cathédrale
rassure, elle a traversé les siècles.
Dressée sur l’éperon rocheux de la Cité, la
cathédrale veille sur la ville.
On la sait là.
On la salue de loin.
A Jérusalem, aussi, le Temple rassure.
C’est l’un des plus grands édifices religieux de
l’antiquité.
Il a été détruit, reconstruit, embelli.
Situé au sommet du Mont Moria, l’esplanade du
Temple domine la vallée du Cédron, comme ici,
la cathédrale domine le Flon.
Après la Réforme, on a appellera la cathédrale
le « grand temple », ou « le temple de la Cité ».
Un temple peut en cacher un autre.
La Cathédrale de Lausanne a fait vœux de
stabilité.
On pensait aussi cela du Temple de Jérusalem.
Mais il fut rasé en l’an 70 par les armées de
Titus.
Jésus avait vu juste.
Bien qu’il soit un signe de l’Éternité, le Temple de
Jérusalem n’en demeure pas moins périssable.
« Il ne restera pas pierre sur pierre ».
J’ai tout de suite pensé à ce passage de
l’évangile en découvrant les peintures d’Eric
Martinet lorsque nous avons visité son atelier au
début de l’été.
Et vous imaginez bien pourquoi.
Les coulures si caractéristiques du travail de
l’artiste, donnent ici l’impression que les ogives,
les voûtes, les contreforts tout ce qui contribue à
la solidité de l’édifice paraît se liquéfier, à
l’image des glaciers de nos alpes que l’on croyait
éternel, comme les neiges d’antan et qui
disparaissent presque à vue d’œil.
Accrochées aux cimaises de la cathédrale, les
peintures de Martinet évoquent des boules
de glace qui en plein été dégoulinent de leur
cornet.
Il faut en convenir, bien qu’elle évoque la
permanence dans un monde en perpétuel
mutation, la cathédrale est bel et bien de
l’ordre du relatif.
De chantiers en chantiers – on ravale les
façades ; on lutte contre les ravages du temps.
La molasse s’effrite et les portails subissent les
aléas de la pluie et de la pollution.
Dans l’histoire du peuple d’Israël et de sa foi, le
Temple a toujours occupé et joué un rôle central.
L’histoire du Temple va être associé à des hauts
faits et des grandes figures de l’histoire d’Israël.
David va le rêver, Salomon le bâtir.
Nabuchodonosor le détruire et Cyrus autoriser sa
reconstrution.
Hérode l’aggrandir et l’embellir.
C’est le temple d’Hérode que Jésus quitte et dont
il annonce la destruction prochaine.
La vie du peuple d’Israël n’a cessé de graviter
autour du Temple qui pulsait au gré du culte et
des sacrifices.
La vie du Temple rythmait le calendrier, les
heures quotidiennes des habitants de Jérusalem.
Comme les cloches des cathédrales ou de nos
églises qui martelaient les heures dans nos villes
et nos villages alors que personne n’avait encore
une horloge chez lui.
Et pourtant le temple de Jérusalem a toujours été
un facteur de tensions religieuses.
Nombreux sont les prophètes qui n’ont cessé de
dénoncer vigoureusement la fausse sécurité que
pouvaient procurer les sacrifices et les
pélerinages, lorsqu’ils prenaient le pas sur les
devoirs de droiture et de justice.
Pour une large part, Jésus s’inscrit à la suite des
prophètes dans cette tradition critique du temple
et des sacrifices.
Certes les évangiles nous présentent Jésus
fréquentant quelques fois le temple mais ces
épisodes sont plutôt rare, eu égard à
l’importance de l’édifice.
Jésus n’était pas un prêtre, ni un lévite.
Il était plutôt l’homme des chemins et des ruelles
bruyantes des villes et des villages qu’il aimait
traverser.
Et lorsque Jésus se retirait pour se tenir devant
Dieu, il choisissait plutôt le désert, la montagne
ou le lac, que le parvis du temple.
Je me souviens qu’adolescent, le pasteur de
ma paroisse nous accueillait au culte en disant :
« bienvenue dans la maison de Dieu ».
Je n’ai jamais fait mienne cette salutation.
Je crois que l’incarnation, par laquelle Dieu se
reconnaît en Jésus, implique son déménagement,
son déplacement, son exode.
Dieu existe en sortant de lui-même ; c’est le sens
même du mot « exister » : « se tenir hors de ».
Dieu se tient hors de Dieu et hors des lieux où on
aime à l’assigner à résidence.
Non seulement Dieu n’est plus à chercher dans
les cieux, mais il désire faire de nous sa demeure.
Notre être intérieur, voilà la demeure à laquelle
Dieu aspire.
J’aimerai que l’on entre dans les cathédrales, les
églises, les chapelles, pour se rendre disponible
à cette prière que le Christ qui adresse un jour à
Zachée à Jéricho et qui résonne jusqu’ici :
« il me faut aujourd'hui demeurer
dans ta maison. »
Ici, entre les murs de la cathédrale, pour qui a
l’ouïe fine, nous pouvons entendre le Christ
frapper à notre porte.
Ici nous pouvons entendre la Parole de ce Dieu
qui désire demeurer en nous.
Ici nous entendons la Parole de Dieu qui nous
élargit, nous libère ...
Tu as fait sortir ton peuple
Du pays de la servitude
Et tu l’as libéré de ses oppresseurs
Et de ses idoles
Pour qu’il te reconnaisse
comme le Dieu qui s’est penché vers lui.
Dans le désert, ton peuple a dressé une tente pour toi,
Et, depuis, l’homme a toujours cherché à t’assigner à résidence,
Il t’a bâti un Temple majestueux à Jérusalem
Des chapelles, des églises et des cathédrales
Toutes plus belles les unes que les autres.
Mais Seigneur !
Le temple que tu as habité
A été le corps torturé et crucifié d’un Galiléen
Toujours en chemin
Connu sous un prénom ordinaire : Jésus,
Yeshouah.
Depuis qu’il a cheminé parmi nous
Et que son Esprit nous entraîne à sa suite
Nous croyons que tu destines tout homme à
Devenir ta demeure.
Aussi, nous t’en prions, allège nos cœurs
Renouvelle notre foi
Pour que notre vie soit une liturgie
Une reconnaissance, un chant
Qui célèbre sans fin
Ton amour pour tout être humain.
Je crois que le Dieu de Jésus-Christ, n’a jamais investi dans la pierre, même en temps de crise, mais dans l’humain.
Amen
Matthieu 24,1-3
1Jésus était sorti du temple et s'en allait. Ses disciples s'avancèrent pour lui faire remarquer les constructions du temple. 2Prenant la parole, il leur dit : « Vous voyez tout cela, n'est-ce pas ? En vérité, je vous le déclare, il ne restera pas ici pierre sur pierre : tout sera détruit. » 3Comme il était assis, au mont des Oliviers, les disciples s'avancèrent vers lui, à l'écart, et lui dirent : « Dis-nous quand cela arrivera, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde. »
1 Corinthiens 3,16-17
16Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? 17Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est saint, et ce temple, c'est vous.