Prédication du 19 janvier 2020

La foi, ça se voit. Et ça ne se résume pas à une acceptation passive des choses dans leur état.
D'après Marc 2, 1 à 12
Quel chemin parcouru ! Et de quelle persévérance ces hommes font-ils preuve…
… Alors c’est sûr me direz-vous, le jeu en valait la chandelle et les risques étaient mesurés. Jésus refusait rarement son temps à ceux qui le lui demandaient ; il était proche, ouvert, accessible. Donc, si on souhaitait le voir, il valait la peine de se mettre en chemin quand bien même la route serait longue. Mais ce jour-là, pour l’atteindre, ça tenait vraiment du parcours du combattant.
Et des combats, il aurait pu y en avoir sur plusieurs fronts. Le projet des amis du paralysé aurait pu échouer aux portes de la maison. Parce que, je vous l’avoue, personnellement, je suis assez soulagée de ne pas avoir été la maîtresse de maison. Et je ne sais pas si j’aurais été aussi absente du récit qu’elle.
Imaginez-la, découvrant peu à peu que son toit est en train d’être ouvert pour imposer la présence d’un paralysé là où une foule semble déjà se sentir chez soi ; alors que tous sont chez elle. Ce combat-là, n’a pas été mené et c’est tant mieux.
Cela nous permet d’en revenir à la persévérance. A chaque fois que je réentends ce récit, je suis impressionnée par la solidarité tenace des amis du paralysé.
De lui, on ne sait rien.
De ses amis, pas grand-chose de plus. Mais un détail de taille : c’est en voyant leur foi que Jésus s’adresse à l’homme couché sur un brancard et lui dit : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés ».
Cette précision dans le texte m’inspire deux réflexions.
Tout d’abord, la foi, ça se voit ! « Voyant leur foi, Jésus dit… »
Dans notre société, une majorité citoyenne et peut-être même politique voudrait réduire la foi à une affaire privée, interne, qui se développe dans le secret de son cœur et entre les murs de sa maison, voire de son église. Une foi invisible… sans impact sur quoi que ce soit, sur qui que ce soit. Une foi qui ne fait pas de vague. Et qui se laisse ignorer par tous ceux qu’elle indiffère.
J’ai souvent dit combien une telle vision est réductrice voire carrément fausse.
-Fausse parce que la foi est affaire de relation. Toujours dans la bible, elle s’adosse à une personne. Depuis les premiers récits jusqu’aux derniers, on parle de la foi au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, au Dieu de David, au Dieu de Jésus, des 12 et de tous les suivants. La foi chrétienne se définit comme une relation. Elle ne saurait donc se résumer à un sentiment intérieur ; pas plus qu’elle n’a à être circonscrite dans les murs d’un logement, fût-ce une église ou même une cathédrale.
-Vision fausse encore, parce que toute religion a une dimension sociale ; c’est l’une de ses étymologies reconnues : “religare“, la religion relie. Cette dimension sociale la rend nécessairement publique et visible.
Jésus donc voit la foi des amis. Que voit-il au juste ? Concrètement, ce que la maîtresse de maison n’a peut-être guère apprécié. 4 hommes affairés à démolir son toit pour porter leur ami paralysé à l’attention de Jésus, de son regard aimant, de ses paroles relevantes.
La foi se voit. Elle se donne à voir dans des gestes concrets. C’est ma première réflexion pour nous inciter, chacune et chacun, à nous questionner : qu’est-ce que je fais qui rend ma foi visible ?
Quels ont été, quels sont, les gestes qui donnent corps à la foi qui me porte ? …
… La foi est visible. Elle est aussi, et c’est là ma deuxième réflexion, un mouvement.
-Celui des amis qui se sont mis en route et qui n’ont rien lâché pour arriver jusqu’à leur but.
-Celui de Jésus qui se détourne de son discours et de ses auditeurs pour accueillir ce surgissement inattendu.
-Celui du paralysé qui, répondant à l’injonction de Jésus, se relève.
C’est dire que la foi ne se résume pas à une acceptation passive des choses dans leur état. Ni Jésus ni Dieu ne nous demandent une résignation servile face à ce qui nous arrive. Au contraire. Ils encouragent une foi qui se dit dans le mouvement, le relèvement voire le soulèvement.
Une manière de nous rappeler que ce qui nous enchaîne ; ce qui nous met à terre ; ce qui nous paralyse ne saurait avoir le dernier mot dans la perspective du Royaume qui vient. Ce Royaume certes à venir mais qui se manifeste déjà en Jésus.
Nul ne se résume à ce qu’il fait, à ce qu’il semble être, à ce qui lui arrive. C’est là un des messages centraux de la foi chrétienne. Connaissant notre imperfection mais aussi notre devenir, Dieu ne nous réduit pas à nos évidences. Il brise nos logiques qui trop souvent restreignent l’élan de la vie.
Il nous aime d’un amour libre qui pardonne et relève.
Il nous assure de sa présence quoi que nous traversions.
Et c’est bien debout, prêts à traverser la vie avec tout ce qu’elle charrie, qu’il nous veut.
Debout, à son image ; à ses côtés.
C’est probablement là le nœud du problème avec les scribes. Empêtrés qu’ils sont dans un schéma où la vie se déroule dans un ordre logique ; où tout événement a sa cause ; où toute cause a son explication. Et vous savez qu’à l’époque, la maladie, le handicap, était considéré comme la sanction d’un passé de pécheur. Passé personnel ou familial. C’était une sorte de malédiction toujours consécutive à une faute. Dont Dieu seul pouvait délier l’homme.
« Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » interrogent donc les scribes.
Jésus n’entre pas en argumentation.
Il réplique par une parole et par un geste signifiant que le pardon des péchés n’est rien d’autre que le fait de relever celui qui est à terre pour lui permettre d’avancer dans son existence.
Il n’y a ni effacement ni oubli d’une faute prétendument commise.
Mais le renouvellement du don de la vie reçue.
On est loin d’une réponse catéchétique. Loin du domaine rhétorique habituel aux scribes. Le pardon des péchés ne se décline pas ici dans le dictionnaire bien-pensant des dogmes ou de la tradition. Il se dit dans la vie renouvelée, la vie relevée, la vie ressuscitée. Cet élan de vie si fort qu’il ouvre des brèches dans tout ce qui cherche à la contenir, fût-ce un toit.
Telle est l’expérience de rencontre avec un Christ vivant, ébouriffant, relevant que je vous souhaite de vivre et de revivre chaque jour que Dieu vous donne.