Prédication du 18 février, Faire son deuil 1/5, Et si la résurrection nous empêchait de faire notre deuil de Jéus?

Et si la résurrection nous invitait à ne pas faire le deuil de Jésus ?

 

Nous venons à peine d’entrer dans le temps de la Passion que j’évoque ici la résurrection.

 

L’Eglise a institué des temps liturgiques et des fêtes carillonnées.

Noël pour la naissance de Jésus.

Vendredi Saint réservé à la croix.

Pâques, à la résurrection.

Pentecôte, à l’effusion de l’Esprit.

 

Ce découpage bien ordonné est trompeur.

La croix, la résurrection, l’esprit c’est pour tous les jours.

Et nous ne venons pas ici – à la Cathédrale – pour regarder dans le rétroviseur, dans le passé, mais pour regarder de l’avant.

 

Nous venons à peine d’entrer dans le temps de la Passion que j’évoque ici la résurrection, et en plus pour commencer par dire que je ne sais pas vraiment ce qu’est la résurrection.

 

Même après plus de 35ans de ministère.

Par contre ce que je crois, c’est que le crucifié est vivant.

 

Aujourd’hui, dans tous nos aujourd’hui.

Le crucifié est vivant.

 

A première vue, c’est un oxymore, un paradoxe absolu que d’affirmer qu’un mort est vivant.

 

La mort, un médecin la constate.

Il y a des signes cliniques qui ne trompent pas et attestent que quelqu’un a passé de vie à trépas.

 

Pour ce qui est d’être vivant, pas besoin de médecin.

 

Au moment où je vous parle, il y a des signes vitaux qui confirment que je suis vivant.

Mon cœur qui bat.

Ma respiration.

La température constante de mon corps.

 

Je suis vivant.

 

On peut qualifier cette vie de biologique.

C’est la vie en ce qu’elle a de vital.

 

Mais le vital, le biologique suffit-il à faire de moi un vivant ?

 

Qu’est-ce qu’être vivant ?

 

Le lecteur familier des Écritures sait que cette 

question n’a rien de rhétorique, mais qu’elle ne cesse de les traverser et de nous interroger.

 

C’est quoi la vie ?

Et perdre sa vie ?

Et gagner sa vie ?

Et sauver sa vie ?

 

Au grès des Écritures, il apparaît que le « vital », le biologique, pour essentiel qu’il soit, ne suffise pas à 

dire tout de ta vie.

 

Autrement dit, lorsqu’on lit l’Ancien comme le Nouveau Testament, on se doute.

On se doute que la vie vitale n’est pas tout de la vie.

On se doute qu’il y a vie et Vie.

 

Et pour aller droit au but, dans les Écritures, la vie vivante, c’est la vie relationnelle.

 

Je peux être vivant du point de vue « vital » et mort du point de vue relationnel.

C’est le cas notamment des infirmes, des malades, des pécheurs que Jésus rencontre et qui sont bannis de la vie sociale à cause du mal dont ils souffrent ou de l’impureté qui les disqualifie et les confinent hors du champ social.

 

En les guérissant, Jésus fait bien plus que de les remettre sur pied, il leur redonne littéralement vie en leur permettant de renouer avec la vie relationnelle.

 

Il les relève, il les redresse, un vocabulaire que les Évangiles associent à la résurrection.

 

La définition de la vie au sens biblique dépasse donc la seule dimension biologique, le vital.

C’est à l’aune de cette définition élargie de la vie, qu’il faut tenter de répondre à cette question : « un mort peut-il être vivant ? »

 

Cette question n’est pas une question pour des scénaristes de films d’horreur.

Ces films mettent en scène des cadavres revitalisés qui viennent hanter ou conquérir le monde des vivants.

 

Ces morts-vivants ne vivent pas ; mais ils vivotent.

 

Il ne s’agit évidemment pas de cela. 

 

Nous venons de dire que la vie est plus que le vital.

 

Nous venons de dire que ce qui fait de nous des vivants, c’est la relation.

 

Qu’entendons-nous par-là ?

 

Ce que nous voulons dire par là, c’est qu’être en relation c’est être activé, vivifié, transformé par un autre que soi.

La relation n’agit pas directement sur nos fonctions vitales, mais sur nos émotions, comme la joie, l’amour ou négativement l’irritation, la gêne, la colère.

 

La relation n’agit pas directement sur nos fonctions vitales mais nous fait évoluer, lorsque l’autre enrichit nos connaissances, nous permet de changer d’avis, d’opinion.

 

La relation n’agit pas directement sur nos fonctions vitales, mais elle peut agir sur notre manière de voir le monde, de l’interpréter, sur notre manière d’accueillir un événement, et sur notre manière de nous connaître nous-même.

 

La relation lorsqu’elle est saine, c’est-à-dire lorsqu’elle s’inscrit dans la réciprocité, contribue à faire de nous des vivants au-delà du vital.

 

Alors la question que pose la résurrection est celle de savoir si un mort peut continuer à avoir un effet sur nous ?

 

J’avoue que mon esprit de protestant – avec une rationalité bien développée – m’inciterait à répondre « non ».

Quelque chose en moi me pousse à penser qu’une fois mort, le mort est mort, définitivement.

 

Mais je dois avouer que ma rationalité s’est fissurée 

avec le temps.

 

Après plus de 35ans de ministère, je ne compte plus,

des témoignages de paroissiens et de paroissiennes, de gens croyants ou non, qui me disent avoir fait l’expérience d’avoir été visité à l’improviste, effleuré par un défunt.

La plupart du temps, ces témoins sont eux-mêmes incrédules, parce qu’ils n’ont rien demandé, rien cherché.

Occupés qu’ils étaient à faire leur deuil et à passer à autre chose.

 

Car c’est là la définition du deuil que de passer à autre chose.

Un passage qui se fait – dit-on - par étapes, dans un processus.

 

Peut-être devrions-nous consentir à ce que des morts – bien après leur trépas - continuent en effet à nous susciter, à nous élargir, à nous enrichir, à nous mobiliser, à nous inspirer, en d’autres termes à être en relation avec nous.

 

N'est-ce pas le cas par excellence avec Jésus, le Christ.

 

Au matin de Pâques, l’ange interroge les femmes venues au tombeau vide en ces mots :

 

« Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? 

Il n’est pas ici, mais il est ressuscité »

 

Cette réplique m’a fait penser à cette citation :

 

On emporte ses morts partout avec soi, et s’ils restaient au cimetière, cela se saurait.

Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts, Ed. Grasset, 2021, p.83

On doit ces mots à la rabbine Delphine Horvilleur dans son livre « Vivre avec nos morts ».

 

Se déclarer chrétien,

Venir se nourrir de la Parole et du dernier repas du Christ, comme on le fait ce matin, ce n’est pas vivre dans la nostalgie du passé.

 

Mais c’est confesser que Jésus, bien que crucifié … 

… Que Jésus bien que disparu …

… Que Jésus bien qu’absent …

… Que Jésus bien que mort continue à nous parler, à nous inspirer, à nous élargir, à nous accompagner.

 

Et donc que Jésus est vivant et qu’il continue à nous visiter pour faire de nous des vivants, comme il a visité ses disciples et les as rendu à la vie plus que vitale.

 

Au matin de Pâques, les disciples ont eu de la peine à le comprendre parce qu’ils étaient occupés à tout autre chose.

Ils étaient occupés à faire leur deuil, c’est-à-dire à laisser le mort aller de son côté et eux du leur.

Lorsque nous affirmons que nous croyons en la résurrection, nous n’affirmons pas que nous croyons en un processus de réanimation, de revitalisation de Jésus.

 

Mais nous affirmons que Jésus est vivant et qu’il continue à animer, nos personnes, nos vies de telle manière que nous nous sentions infiniment vivants, d’une vie qui dépasse de loin le vital.

 

La seule question qui vaille devant le tombeau vide n’est pas de savoir s’il existe une vie après la mort, mais c’est celle de savoir si le crucifié-ressuscité fait de nous des plus que vivants.

 

Au vu de la situation des églises aujourd’hui, chacun et chacune d’entre nous doit se demander si nous n’avons pas fait notre deuil de Jésus.

 

Si nous ne le cherchons pas parmi les morts, alors qu’il est là au creux de la Parole prêchée et de la Parole partagée.

 

Amen

1 CORINTHIENS 10,23-26

23En effet, voici ce que moi j’ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, 24et après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi. » 25Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; faites cela, toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. » 26Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

 

LUC 23,55-24,12

Les femmes qui l’avaient accompagné depuis la Galilée suivirent Joseph d’Arimathée; elles regardèrent le tombeau et comment son corps avait été placé. 

56Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums.

Durant le sabbat, elles observèrent le repos selon le commandement 1et, le premier jour de la semaine, de grand matin, elles vinrent à la tombe en portant les aromates qu’elles avaient préparés. 

2Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau. 

3Etant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. 

4Or, comme elles en étaient déconcertées, voici que deux hommes se présentèrent à elles en vêtements éblouissants. 

5Saisies de crainte, elles baissaient le visage vers la terre quand ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? 

6Il n’est pas ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était encore en Galilée ; 

7il disait : “Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des hommes pécheurs, qu’il soit crucifié et que le troisième jour il ressuscite.” » 

8Alors, elles se rappelèrent ses paroles ; 

9elles revinrent du tombeau et rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. 

10C’étaient Marie de Magdala et Jeanne et Marie de Jacques ; leurs autres compagnes le disaient aussi aux apôtres. 

11Aux yeux de ceux-ci ces paroles semblèrent un délire et ils ne croyaient pas ces femmes. 

12 Pierre cependant partit et courut au tombeau ; en se penchant, il ne vit que les bandelettes, et il s’en alla de son côté en s’étonnant de ce qui était arrivé.