Prédication du 11 décembre, l'annonce faite à Joseph ou l'histoire d'une co-habitation divine

Le prophète Esaïe vient annoncer au roi Acaz la naissance d'un enfant alors que sa femme était jusque-là stérile. Est-ce en souvenir de cela que Matthieu raconte une annonciation à Joseph, alors que chez Luc tout se passe avec Marie ?

à Avec Joseph, nous sommes dans une lignée royale, alors que Marie semble apparentée à une lignée sacerdotale (Élisabeth, épouse du prêtre Zacharie, est sa cousine).

à Le Nouveau Testament voit dans le Christ un personnage à la fois royal et sacerdotal.

 

Chez Matthieu, la «jeune femme» d'Esaïe devient une «vierge» et le nom «Dieu avec nous» (Emmanuel) devient «le Seigneur sauve» (Jésus).

Ainsi, la prophétie se trouve réalisée au temps d'Acaz mais elle devient accomplie, c'est-à-dire portée à un terme qui la dépasse, avec Joseph.

 

Ce qui se passe dans le « purement humain » recèle déjà une présence active de Dieu qui ne se révélera et n'atteindra son sommet qu'à l'heure où l'humain et Dieu ne feront plus qu'un.

 

Toute naissance humaine est lourde de la naissance du Christ. Ainsi, par le baptême, nous sommes déjà enfants de Dieu, mais ce que nous serons par l'achèvement de cette seconde naissance n'a pas encore été pleinement manifesté.

 

Ainsi l'Avent ne concerne pas seulement le Christ, mais aussi notre propre marche créatrice vers notre venue au monde en plénitude, par laquelle nous deviendrons semblables au Christ (voir 1 Jean 3).

On pourrait dire que ce que nous vivons suit une sorte de règle de deux: première alliance, nouvelle alliance ; première naissance, seconde naissance… Entre les deux, un passage à vide, un temps de mort.

Ainsi en va-t-il pour le Christ. C'est en effet « sa seconde naissance » qui le « constitue Fils de Dieu par sa résurrection d'entre les morts ».

à Alors oui, on peut dire que le Christ est déjà à Noël ce qu'il sera à Pâques, et cette permanence à travers le temps se vérifie pour chacun d'entre nous.

Pourtant le Christ ressuscité est à la fois le même et pas le même, et c'est bien le Christ ressuscité qui est le Fils achevé, parfaite image et ressemblance du Père.

 

Il en résulte que la naissance « selon la chair » - celle Jésus et la nôtre - est comme une anticipation de l'homme nouveau, accompli dans le Christ à sa résurrection, encore en gestation en ce qui nous concerne.

 

à C'est pourquoi le temps de l'Avent vient raviver en nous l'attente de l'ultime venue du Christ et l'espérance de notre propre naissance à la vie en plénitude.

Notre remise en mémoire du passé - et cela se vérifie aussi dans la célébration de l'Eucharistie - n'est pas seulement souvenir, mais aussi anticipation.

 

De même qu'en Genèse 1 Dieu crée l'univers à partir de rien, de même il faut que le Christ vienne au monde si l'on peut dire sans antécédents. Nouveauté absolue par rapport à la création première.

La non-participation de Joseph à la conception de Jésus signifie cela, entre autres. à Il fallait que le Christ ne puisse se définir uniquement par une hérédité humaine, qu'il échappe pour une part aux chaînes de nos causalités.

 

Cela vaut d'ailleurs, dans une certaine mesure, pour tout être humain. En Jean 1, 13 il est question de « ceux qui ne sont pas nés … ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu ». Qui sont-ils ?

Toux ceux, toutes celles, qui ont accepté de recevoir la Parole, de croire en elle, et cela vaut aussi pour des hommes et des femmes qui ont vécu avant le Christ.

à En d'autres termes, rien d'automatique, il y faut la liberté, la liberté de Dieu, et la liberté humaine, et il faut une rencontre, une cohabitation de ces deux libertés.

 

Joseph, comme avant lui Moïse, Élie et tant d'autres, accueille la Parole. Lui aussi, par-là, naît différent de ce qu'il était.

 

Élargissons encore : tout enfant, au-delà du processus biologique qui l'engendre, est un don, le fruit de la générosité divine, c'est-à-dire d'un amour qui surclasse celui des parents, même s’il est vrai que l'amour de Dieu se « matérialise » dans l'amour qui unit les humains.

 

Le « stérile » engendre le « fertile » parce que Dieu, l'origine (nous disons le Père ou Mère), fait naître quelque chose là où il n'y a rien.

C’est sans doute ce que veut nous dire la virginité de Marie, qui vient clore et surclasser la liste biblique des maternités de femmes stériles.

 

Par sa seule volonté d’amour, par sa Parole, Dieu vient cohabiter avec vous, habiter parmi nous et en nous.

 

Et nous, ce matin, quelle est notre attente véritable, au fond du cœur ? En quoi cette parole de vie et d’engendrement nous interpelle et nous remet en marche dans notre quotidien ?

 

Si ces jours de fêtes nous permettaient d’accueillir la Parole et de faire confiance au Christ qui est venu et qui vient, lui faire confiance pour le tout de notre vie…

 

Jésus le Ressuscité, dans la terre labourée de notre vie, tu viens déposer la confiance de la foi. Petite graine à son origine, elle peut devenir en nous une des plus claires réalités d’Évangile. Elle soutient l’inépuisable bonté d’un cœur humain.

Amen.