Prédication de Pentecôte: de la libération à la liberté

C’est la vocation de tout hébreux d’accueillir la loi. De la laisser descendre en soi, jusqu’en ce lieu de
notre intériorité, d’où la loi va fertiliser, polliniser les fidèles et par eux la vie du peuple. D'après Actes 2: 1 à 4 / Ezéchiel 36: 24 à 28 / Romains  8: 14 à 16
 
Attention, une fête peut en cacher une autre.
 
Jérusalem grouille de monde.
La ville déborde de pèlerins venus de partout
pour fêter Pentecôte.
C’est l’effervescence.
 
Luc, l’auteur des Actes des Apôtres, situe le don
l’Esprit en plein cœur de cette fête du calendrier
juif.
 
N’y voyez pas là une coïncidence, ni un hasard.
C’est voulu.
C’est intentionnel.
Le Saint Esprit n’est pas descendu pile-poil ce
jour-là sur les apôtres.
Mais c’est Luc qui situe cette effusion pendant la
fête, parce qu’à ses yeux, le don l’esprit aux
apôtres s’articule particulièrement bien, dialogue
avec la fête juive.
 
En hébreux, Pentecôte, se dit « Chavouoth », qui
signifie « les semaines ».
 
« Chavouoth » … les semaines.
Sept semaines, cinquante jours.
 
Dans le calendrier juif, cinquante jours
séparent la fête de Pessah – Pâque, de celle de
Chavouoth – Pentecôte.
 
Nous connaissons tous La fête de Pâque.
Le récit de l’Exode.
Dieu qui choisit et envoie Moïse chez Pharaon.
Le récit des plaies d’Egypte.
Le départ précipité du peuple de nuit qui ne peut
emporter avec lui que des pains qui n’ont pas eu
le temps de lever.
Le passage à pied sec de la Mer Rouge et la
déroute des armées de pharaon qui s’en suit.
 
En une nuit l’histoire du peuple hébreux bascule !
 
Le voilà qui échappe à l’asservissement, aux
mauvais traitements, à l’oppression … partout on
exulte, on swingue, on pavoise, on chante … :
« Go down Moses ».
Une atmosphère de libération.
 
Mais la libération ce n’est pas encore la liberté.
 
La liberté du peuple hébreu se jouera cinquante
jours plus tard sur le Mont Sinaï ; là où Dieu offre
sa Loi à Moïse.
 
C’est ce don de la loi que l’on commémore à
Chavouoth dans la joie et la bonne humeur.
 
Lorsque Moïse descendit de la Montagne il tenait
dans ses mains dix commandements.
Dix paroles pour baliser le vivre ensemble.
Dix paroles dont Dieu désire équiper son peuple
avant que celui-ci n’entre et ne s’installe en terre
promise.
 
Dix Paroles source de liberté.
Dix Paroles, promesses de justice.
 
C’est la vocation de tout hébreux d’accueillir la
loi.
De la laisser descendre en soi, jusqu’en ce lieu de
notre intériorité, d’où la loi va fertiliser, polliniser
les fidèles et par eux la vie du peuple.
 
Lorsqu’elle est mise en pratique, la loi devient un
style de vie, une manière d’être aux autres et au
monde.
 
Cette intériorisation ne se fait pas du jour au
lendemain.
Les cinquante jours qui séparent Pessah de
Pentecôte, expriment symboliquement combien ce
cheminement d’appropriation peut-être long et
périlleux.
 
Si la liberté passe par l’intériorisation de la Loi
dans le judaïsme.
 
Dans le christianisme, la liberté se donne dans
l’accueil d’une personne : Jésus-Christ.
 
En Lui, nous reconnaissons l’homme libre par
excellence.
Lui qui a ouvert un chemin de liberté.
 
La liberté de Jésus lui vient de ce qu’un jour, il a
consenti à ce que Dieu règne en lui.
 
Jésus incarne le Royaume de Dieu, il le vit.
En Jésus-Christ, il nous est donné de voir ce que
l’homme peut devenir lorsque Dieu règne en lui.
 
Comment nous engager sur ce chemin ?
En nous y laissant conduire la force de l’Esprit.
 
Par l’Esprit en l’Esprit, nous sommes appelés à
entrer en relation, à nous laisser interroger par
lui, étonner par lui, déplacer par lui.
 
 
Ce chemin qu’est le Christ peut nous faire peur,
tant il nous paraît ardu.
 
Mais lorsque nous voyons vivre Jésus, nous
comprenons très vite qu’il a le Dieu léger.
 
D’autres ont le Dieu plus pesant, plus grave.
Comme les prêtres et les pharisiens, ces
experts de Dieu qui sont continuellement
préoccupés et tracassés par Lui.
 
Un danger qui guette tous les experts de Dieu, et
j’en fais partie.
 
Mais Jésus n’est pas un expert de Dieu, ce n’est
pas un prêtre, ce n’est pas un théologien, c’est un
intime de Dieu, c’est bien différent.
Un intime de Dieu à tel point que certains
premiers chrétiens diront qu’en voyant Jésus, ils
ont vu jusqu’à Dieu ; mais ça c’est une autre
histoire.
 
Parce qu’il fait pleinement confiance en Dieu,
Jésus est libéré pour mettre ses talents, ses
charismes, son potentiel au service de l’humain.
 
Il n’y a là aucune contradiction.
Car dans l’esprit de Jésus : servir Dieu, c’est
servir l’humain.
 
S’il arrive à Jésus de transgresser le Sabbat, ou
les lois de pureté, ce n’est pas bravache, par
provocation, mais c’est toujours pour mieux servir
l’homme.
 
Pour paraphraser Paul dans sa lettre aux
Romains, la liberté de Jésus est celle des enfants
de Dieu.
 
Elle fait envie cette liberté qui rayonne du
Christ ?
Nous aimerions aussi y goûter !
 
Comment devenir libre à notre tour, comme le Christ l’a été, si ce n’est en nous mettant en
chemin à sa suite.
 
Si la liberté du peuple hébreux se joue dans sa
capacité à accueillir la loi …
 
… la liberté du chrétien – quant à elle – se joue
dans sa disponibilité à se laisser entraîner par
l’Esprit dans le sillage du Christ.
 
Mais comment s’y prendre.
Car s’il y a une chose dont on sait de l’Esprit,
c’est qu’il où il veut quand il veut ?
S’il y a une chose dont on sait de l’Esprit, c’est
que nous n’en disposons pas.
 
Comment se laisser imprégner par lui ?
Comment se laisser entraîner par lui ?
 
C’est ici qu’il faut se pencher sur le texte
d’Ezéchiel.
 
Pendant de longs chapitres de son livre (et s’en
est même désagréable), Ezéchiel dénonce,
fustige, accuse avec une extrême sévérité Israël
qui s’est détourné de Dieu pour des idoles de
pacotille.
 
Israël qui a délaissé la loi et laisser l’iniquité
pourrir la vie sociale, détruire le vivre ensemble.
 
Malgré la débâcle, Ezéchiel ne perd pas
confiance en Dieu.
Il sait que Dieu n’abandonnera pas son peuple.
 
A la fin de son livre (notamment dans le passage
lu tout à l’heure), Ezéchiel annonce, que Dieu va
restaurer son peuple en lui donnant un cœur
neuf.
 
Je vous donnerai un cœur nouveau
et je mettrai en vous un souffle
nouveau, j’ôterai de votre chair le
cœur de pierre et je vous donnerai
un cœur de chair.
Dans la pensée hébraïque, le cœur ce n’est pas
d’abord le lieu des sentiments, des émotions et
des affects comme on le croit. Mais le cœur est
l’organe du discernement, du choix, de la réflexion.
 
Un cœur neuf, c’est un cœur à nouveau capable
de discernement.
Un cœur qui permettra à Israël de réfléchir à
nouveau frais, de penser, de prendre des bonnes
décisions, et de revenir à la Source.
 
Ce magnifique texte d’Ezéchiel nous rappelle que
la foi, qu’elle soit juive ou chrétienne, est plus
qu’une spiritualité, plus qu’une piété, plus qu’un
sentiment religieux mais qu’elle est d’abord
un choix.
 
La foi est un choix, une décision murement
réfléchie : celle de s’accorder à Dieu et à sa loi
pour le peuple Hébreux.
 
Celle de s’accorder au Christ pour les chrétiens.
 
Décision résolue de laisser Dieu régner en nous.
 
Car il faut le reconnaître, l’indépendance et la
Souveraineté, que nous aimons à nous croire
équipé, n’est très souvent qu’une liberté de
façade.
 
A l’insu de notre plein gré, nous nous laissons
conquérir, dominés, gouvernés par toutes sorte
de forces qui désirent nous conditionner.
 
Et si l’on fête chaque année la Pentecôte, c’est
Pour se souvenir que ce choix, cette décision est
toujours à prendre et à reprendre.
 
Dans notre monde qui chancelle, il est temps de
réaffirmer avec force cette dimension
décisonnelle de la foi.
 
Si nous ne disposerons jamais de l’Esprit, c’est par contre à nous qu’il revient de décider par qui
ou par quoi nous nous souhaitons nous laisser
gouverner, guider.
 
C’est là notre responsabilité de juif et de chrétien.
 
Bien sûr, le chemin de liberté qu’un jour le Christ
à tracé, est un chemin difficile.
Long.
Plus d’une fois, nous aurons envie d’abandonner,
de le laisser tomber.
 
En ces moment-là, comme Ezéchiel, faisons
confiance en Dieu : lorsque nous serons à bout
de souffle, il nous donnera l’élan de son Esprit.
 
Il est grand temps de prendre nos responsabilités 
et de nous engager sur le chemin tracé par le
Christ.
 
Pour cela, que Dieu renouvelle notre cœur, notre
esprit de discernement et notre intelligence.
Amen