Prédication de Pâques, "L'aube d'une nouvelle humanité"

 

L’aube d’une nouvelle humanité

 

Ils sont donc 3.

Enfin, pour être tout à fait précise, Marie de Magdala est la première.

À son appel, viennent ensuite Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait.

Ils sont 3 et leurs réactions face au tombeau vide est une véritable merveille.

Chacune, chacun, à sa manière, nous livre une piste pour aborder ce mystère, et rêver d’une nouvelle humanité après la noirceur de Vendredi-Saint…

 

Commençons par elle, puisqu’elle est la première : Marie de Magdala. En 3 adjectifs et un adverbe : Elle est perdue, monomaniaque, tellement touchante !

Dans l’évangile de Jean, elle est la seule à affronter la nuit finissante pour se rendre au tombeau.

Solitaire, déterminée, courageuse, elle force mon respect.

Ce qui la motive n’est pas dit explicitement, contrairement à d’autres récits, dans d’autres évangiles. On peut donc imaginer qu’elle va s’occuper du corps de Jésus ou se recueillir à son tombeau ou qu’elle y retourne pour entamer le deuil qu’elle n’a pas encore eu le temps d’initier, tant les derniers évènements se sont précipités.

C’est vrai que pour les proches de Jésus, tout est allé trop vite. Le shabbat qui vient de passer leur a à peine permis de ruminer ce qui s’était passé, en aucun cas de commencer à le digérer.

S’étant donc mise en route, Marie de Magdala voit, à distance, que la pierre a été enlevée.

Stoppée nette dans son élan, elle fait demi-tour, va rejoindre Simon-Pierre et l’autre disciple. Et leur déclare sans ambages : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis. » 

Sans être entrée dans le tombeau, sans avoir vu ce qu’il contenait ou pas, la voilà qui affirme que le corps n’y est plus. 

Ce soupçon ou peut-être cette crainte, que le corps n’est plus là où il aurait dû se trouver, elle la répétera à deux reprises.

Aux anges vêtus de blanc qu’elle distinguera, lorsqu’elle osera enfin se pencher vers le tombeau.

Puis à Jésus qu’elle prend pour le gardien du jardin.

La disparition du corps est, pour Marie de Magdala, un leitmotiv. Ça tourne en boucle. Elle ne voit que cela, l’absence du corps.

Cette obsession, littéralement aveuglante, traduit vraisemblablement tout l’amour qu’elle avait pour cet homme. Et on sait combien c’est difficile de faire le deuil d’un être aimé quand il n’y a pas de corps.

À côté de cette obsession pour le corps manquant, vous avez peut-être remarqué dans le langage de Marie un autre élément qui trahit le fait qu’elle est désorientée : l’usage du « on ». « On l’a enlevé ».

Le fameux « on » de la rumeur, du complot, de l’anonymat. Le « on » derrière lequel se cachent ceux qu’on ne voit jamais mais qui tirent toutes les ficelles.

Son emploi nous dit que Marie se sent victime du complot ourdi contre Jésus.

Tant qu’elle restera dans cet état d’esprit, tant qu’elle regardera la réalité à travers le prisme du corps disparu et du sentiment d’être victime à côté de Jésus, Marie est soumise aux forces de la mort. Elle est soumise à la tristesse. À l’abattement.

Mais soudain, on assiste à un retournement complet. Littéralement une conversion. Qui se produit dès l’instant où elle reconnaît Jésus mais que, paradoxalement, il lui interdit de mettre la main sur son corps « Ne me retiens pas ! », « ne me touche pas » pourrait-on traduire.

Elle l’a enfin retrouvé, ce corps, mais voilà qu’elle ne peut pas le toucher.

C’est néanmoins à partir de ce moment-là que la Vie, avec un grand V, saisit Marie et la transforme.

L’interdiction de toucher le corps du ressuscité, c’est cela même qui permet à Marie de Magdala de se dessaisir de son obsession pour le corps de Jésus.

Alors qu’elle voulait posséder jalousement le cadavre de celui qui était mort, c’est en demeurant à distance de celui qui est vivant qu’elle devient la première prédicatrice de la résurrection.

Et vous noterez qu’une résurrection peut en cacher une autre.

Le Christ ressuscité, en s’adressant à Marie et en posant une distance entre elle et lui, devient ressuscitant. Il fait œuvre de résurrection. Car Marie de Magdala est désormais relevée. Elle se tient debout. Elle vit. Pleinement.

 

L’attitude de Simon-Pierre est aux antipodes de celle de Marie de Magdala.

Il est arrivé le second au tombeau, parce qu’il n’était pas très bon à la course ou trop vieux par rapport à l’autre disciple.

Mais, arrivé devant le tombeau, il s’y engouffre. Sans attendre. Sans crainte.

« Il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là et le linge qui avait recouvert la tête … »

Simon-Pierre considère.

Il ne fait pas de conjectures comme Marie. Il ne regarde pas au hasard. Il ne se contente pas de survoler la scène du regard.

Il considère.

Autrement dit, il regarde attentivement. Il observe. Il analyse. Comme un agent de la police scientifique.

Du coup, il ne se concentre pas sur ce qui a disparu, sur ce qui manque, mais sur ce qui demeure. Les bandelettes, et le linge qui avait entouré la tête de Jésus.

Cette différence d’attitude est incroyable.

Plus incroyable encore, le récit ne nous dit pas ce que Simon-Pierre fait de ses observations. Ni si elles lui servent à quoi que ce soit.

Dès lors, imaginer qu’il n’en fait rien, voilà qui est probablement ce qu’il y a de plus libérateur pour nous.

Parce que le fin limier Simon-Pierre, a tout de même, avec ses observations, semer des graines de discordes pour 20 siècles au moins avec toutes les hypothèses pour savoir où sont les bandelettes, où est le linge ayant enveloppé la tête de Jésus, pourquoi n’est-il pas au même endroit que les bandelettes, en est-on sûr, etc, etc 

L’évangéliste ne le faisant pas, on ne va pas entrer dans ces arguties aujourd’hui.

Il y a tellement plus important que ces querelles au sujet de reliques.

En observant les faits de manière si pointue, sans nous servir quelque mode d’emploi que ce soit ensuite, Simon-Pierre nous permet de réaliser et d’accepter que, dans le fond, il importe moins de savoir ce qu’il s’est réellement passé depuis vendredi que de comprendre ce que signifie un tel évènement.

Que signifie le tombeau vide pour vous ? Pour moi ?

Quelles angoisses, quelle curiosité, quels espoirs suscite-t-il ?

Quels sont mes tombeaux qui ont besoin d’être visités par d’autres, qui ont besoin d’être visités par Dieu, pour que la pierre en soit roulée ?

Quelles sont les paralysies qui m’empêchent de me tenir debout et de vivre, pleinement ?

 

L’autre disciple, enfin. Celui que Jésus aimait. Arrivé au tombeau avant Simon-Pierre, mais qui hésite à y pénétrer.

Le grec nous permet de comprendre que la première fois qu’il regarde le tombeau depuis l’extérieur, sans y entrer, il ne fait que jeter un coup d’œil superficiel. Comme Marie de Magdala l’avait fait.

Par contre, quand il entre et regarde, c’est tout autre chose.

Il ne survole plus du regard. 

Il n’observe pas non plus comme Simon-Pierre.

Il regarde avec le cœur, pourrait-on traduire.

Il regarde avec le cœur et il est transformé par ce qu’il voit.

En ce sens, il est le premier à faire l’expérience d’un Christ qui est tout à la fois ressuscité et ressuscitant. « … l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut. »

« Il vit et il crut ». Une autre manière de traduire serait, « Il vit et il fit confiance ».

Il ne cherche pas d’explication. Il fait confiance.

Ce qui se joue est parfaitement inattendu pour lui aussi. Le corps n’est pas là.

Peu lui importe les objets qui restent. L’absence du corps l’ouvre à la foi, à la confiance.

Merveilleux paradoxe.

Le vide, le rien, rend tout possible.

 

Et ce matin, c’est cela que je retiens de nos 3 ami.e.s, nos 3 prédécesseur.e.s dans la foi.

La nature a horreur du vide.

Notre relation au Christ en dépend.

Il faut ce vide, il faut de la distance, il faut ce mystère, pour que nous nous laissions, par Christ, emmené.e.s. là où nous ne l’aurions pas imaginé.

Aussi, je vous le dis, allons dans la confiance.

Son absence du tombeau ne dit rien d’autre que sa présence dans nos cœurs et dans nos vies.

Amen

 

 
  • Lecture de Jean 20 : 1 à 18

Le premier jour de la semaine, à l’aube, alors qu’il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. 

Elle court, rejoint Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis. » 

Alors Pierre sortit, ainsi que l’autre disciple, et ils allèrent au tombeau. 

Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 

Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n’entra pas. 

Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait ; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n’avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. 

C’est alors que l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut. 

En effet, ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts. 

Après quoi, les disciples s’en retournèrent chez eux.

Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds.

« Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. » 

Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui. 

Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. » 

Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni » – ce qui signifie maître. 

Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » 

Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »