Prédication du 28 décembre 2025 à la Cathédrale de Lausanne autour de Colossiens 3, 12 - 21 et Matthieu 2, 13 à 15; 19 à 23, par André Joly, pasteur
Entendu il y a quelques jours au marché cette dame assez élégante qui avouait à son amie qu’elle était claquée d’avoir tant marché. « Ces courses avant Noël sont de véritables expéditions ».
Des voyages, quoi !
Au bout de nos réserves physiques,
Dans cette part de ce qui nous reste de cerveau pour trouver des cadeaux qui correspondent le mieux à ceux qui vont les recevoir.
Comme si ces fêtes devaient être à l’image de ce qu’ont vécu Marie et Joseph avec leur fils Jésus. Des déplacements imposés. Des lieux d’accueil improbables. Des menaces répétées.
Non, le parallèle n’est pas de mise chez nous. Ou alors il est caché, un peu secret et il touche cette part de l’intime dont nous avons de la peine à parler parce que nous ne voulons pas faire de peine, et que c’est Noël, un temps de joie et de réjouissance.
En nous mettant à l’écoute du monde, nous réalisons alors qu’une grande partie de l’humanité est en mouvement, qu’elle voyage, pas toujours sur les routes mais souvent entre l’appartement et les caves, en direction des collines, plus loin que les frontières tracées par les hommes.
Le temps de Noël ne cesse de mettre en lumière nos obscurités, vous savez ces réalités qui se faufilent dans nos quotidiens et nos journaux télévisés, et plus profondément dans ces vies qui se voient chahutées par une maladie, une récidive, un diagnostique revu à la baisse, un accident, la séparation d’avec un parent, un enfant, une mort et toutes ces émotions qui mélangent la tristesse avec les regrets, le mal subi avec le mal provoqué, les échecs avec les déboires.
A quoi pouvait bien penser Joseph lorsqu’il a décidé de s’aligner dans les plans de Dieu ? Dire oui. Mais à qui ? A quoi ?
Au concert des anges ?
Aux visites à la maternité ?
Aux cadeaux ?
Au retour à la maison et au repos attendu ?
Il y a comme une antinomie entre les efforts pour rendre ce moment accueillant et émouvant, et l’ouverture de nos structures d’accueil grand-froid et soupes populaires.
Revenons, si vous le voulez bien, au récit biblique.
La vie dont Joseph et Marie sont dépositaires est d’entrée de jeu menacée. Principalement par la folie d’un monarque paranoïaque qui n’a que l’attaque pour se sentir protégé. Pas d’états d’âme, pas de distance à respecter. Cela est toujours vrai aujourd’hui avec ces chefs de nations qui n’ont plus aucun filtre éthique et qui laissent leurs délires prendre le dessus.
Dieu décide de venir habiter une terre perpétuellement menacée. Et le monde de 2025 aura été particulièrement sombre en matière politique, écologique, de solidarité internationale, d’aggressions militaires, de musèlement des droits humains.
Dieu aurait pu s’arrêter là, nous inviter à être patient et à attendre que tout cela finisse. Au contraire, il nous fait bouger. Il donne à Joseph des raisons de voyager et de trouver un lieu qui offre ce cadre de sécurité dont nous avons tous besoin. Pas ces canaux dont il a le secret, il informe celui qui devra organiser le déplacement. Pour eux ce sera un voyage géographique, certainement doublé d’un voyage spirituel et psychologique. Un voyage qui va laisser des traces dans leur relation avec Dieu. Comme Abraham qui, sur la simple déposition d’une parole, bouge.
L’inertie de Dieu n’existe que dans les plaidoiries des athées. Dès le début, dès le tout début, Dieu nous fait bouger. Cela est vrai pour une naissance attendue dans la joie. Cela est aussi vrai quand il faut quitter un pays de dictature et de menaces.
La vie selon Dieu est une vie de voyage.
Les disciples en savent quelque chose.
Paul en sait quelques chose.
Et vous et moi, nous en savons quelque chose.
Les voyages ne sont pas les récompenses d’une existence fatiguée. Les voyages arrivent le plus souvent sans s’être invités ni attendus. Face aux obscurités, aux crises, aux désastres, aux abandons, Dieu reprend la main et nous pousse à voyager. A nous rendre dans des contrées insoupçonnées, rarement visitées et qui, pourtant, s’insinuent en nous et nous aident à entrer dans une autre manière d’être au monde. A passer du dû - ce que nous pensons être dû, à la foi. A cette confiance que Dieu a une carte de voyage pour nous.
A l’aller, et aussi au retour.
Le séjour en Egypte n’est pas documenté. Ce que les historiens nous apprennent, c’est qu’il y avait une grande communauté juive à cette époque dans le delta du Nil. Mais nous n’en savons rien par l’évangile.
Matthieu s’intéresse à ce projet de retour. L’exode, à ses yeux, n’est jamais définitif. On peut bien mourir sur une autre terre, mais notre monde intérieur peut trouver des raisons de continuer à suivre le chemin proposé par le Christ.
A cette famille, il leur faut rentrer.
Là encore le trajet ne sera pas droit, il devra éviter quelques écueils, et décider où s’installer: la ville des histoires familiales ou celle des racines historiques ? Nazareth, ou Bethléhem ?
Au nord, loin des activités religieuses du temple, proche des païens ? Au sud dans le territoire de David dont il est le descendant, proche des autorités politiques et religieuses ?
Le voyage,
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les voyages,
C’est la manière que Dieu a choisie pour nous arracher au mal, à tout ce qui menace nos existences.
Le voyage c’est, même au plus profond de la nuit, le chemin qui nous fait chercher et trouver la lumière nécessaire à nos jours.
Noël n’est rien d’autre que la lumière au milieu de la nuit.
Un voyage sur la terre, habité de peur et de confiance,
plus de confiance que de peur,
un voyage qui ne fait de nous des visiteurs, mais bel et bien des habitants de ce monde, des Nazaréens, des immigrés, qui ont décidé de placer notre vie, depuis notre naissance que nous n’avons pas choisie, jusqu’à ce moment où nous entrerons dans une autre réalité.
Un voyage qui secoue et angoisse parfois,
un voyage qui apaise et qui console souvent,
un voyage qui questionne et qui attend une réponse.
Un voyage où nous ne serons jamais seuls, accompagnés par Celui qui s’est laissé emporté par les enfants, les femmes et les hommes de ce monde.
Le nôtre. Oui le nôtre
Amen.
Prière pour le monde
O Dieu,
Tu t’es penché d’amour sur cette famille qui a accueilli ton Fils Jésus et tu l’as accompagnée durant tous ses voyages.
Nous te confions en cette fin d’année tous ceux qui sont sur les routes par choix ou parce que leur vie est menacée. Sois avec chacun et chacune, pour que s’éloignent la peur et l’errance.
Nous te prions pour celles et ceux qui sont embarqués dans un voyage qu’ils n’ont pas choisis à cause de la maladie, de la mort, de l’isolement, des menaces, de la perte d’un emploi, de la mort de relations. Donne-leur de trouver un chemin qui les conduise vers la paix.
Nous intercédons pour ceux des nôtres qui accompagnent les malades, les résidents de maisons de retraite, les personnes qui sont dans des structures d’accueil spécialisées. Qu’ils trouvent, avec ceux qui les entourent, la confiance pour les jours qui viennent.
Nous te confions ceux qui semblent repas bouger, emprisonné dans des regrets, dans une colère, dans un chagrin qui ne s’éteint pas. Viens briser les verrous de leur peur et désigne-leur des espaces de paix et de joies possibles.
Prends soin de ton Eglise si diverse de par le monde. Qu’à travers sa parole et ses engagements elle permette à tes enfants de continuer à cheminer avec Toi.
Veille sur celles et ceux qui ont pris un temps de repos à la montagne, dans leur famille ou leurs amis. Que ces jours leur permettent de déposer leur fatigue et leur soucis.
Enfin nous nous remettons à toi pour qu’à travers nos jours et nos nuits nous trouvions les chemins de demain. Accompagne-nous durant l’an nouveau qui s’annonce et que nous voulons rendre plus humain là où tu nous as placés.
Cette prière nous te la remettons comme nous te remettons tout ce qui est en nous et que nous avons de la peine à dire et que tu connais.
Au nom de Jésus, le Nazaréen.
Amen.