Prédication de Pâques, "Il y eut un soir, il y eut un matin..."

 

Il y eut un soir, il y eut un matin…. par Line Dépraz, pasteure

 

Il y eut un soir, il y eut un matin. Et ce constat : il y a des lendemains d’hier plus nauséeux que d’autres…

Voilà deux jours que les disciples de Jésus, ses proches, Marie sa mère, Marie de Magdala éprouvent tous les symptômes de la gueule de bois : maux de tête, nausées, douleurs articulaires et musculaires, vertiges, bouche sèche, sol qui se dérobe.

À l’origine de ces maux ? Non pas l’alcool, mais bien la cruauté humaine, l’injustice des hommes de loi, la lâcheté du peuple, la violence des bourreaux. Autant d’ingrédients qui, lorsqu’ils frappent un être humain, peuvent provoquer les effets d’une gueule de bois sur les proches de la victime.

 

C’est pourquoi, depuis vendredi, les proches de Jésus sont tabassés par l’enchaînement des évènements. Désœuvrés par le traitement réservé à leur ami. Tétanisés par les autorités qui, si elles les trouvent, pourraient leur faire subir le même sort.

De quoi rester cloîtrés.

De quoi préférer le soir au matin. L’obscurité à la lumière.

Mais à l’aube de ce premier jour de la semaine, Marie de Magdala ne peut pas en rester là. Comme toujours, elle a besoin d’espace, de liberté. Elle ne laisse pas les autres dicter sa conduite. Je vous l’avoue, son courage et sa détermination forcent mon respect.

Contrairement aux récits des autres évangiles, elle est seule, dans cette nuit finissante, à se mettre en route. Il n’est pas non plus précisé qu’elle emporterait avec elle des aromates. Ni même qu’elle se demande comment elle roulera la pierre.

En fait, dans l’évangile de Jean, on ne sait pas pourquoi Marie de Magdala se rend au tombeau.

On ne peut que l’imaginer. 

On ne peut qu’essayer de se mettre à sa place et se demander : qu’est-ce qui me pousserait, moi, à aller au tombeau ? Après tout ce qu’il vient de se passer ? …

Marie de Magdala s’est mise en chemin. Saluons son courage. Et soyons reconnaissants, parce que, grâce à elle, nous réalisons que ce lendemain d’hier aux relents nauséeux devient, le premier jour de la vie d’après.

 

Elle est encore en train de marcher, lorsqu’elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.

Stoppée nette dans son élan, elle fait demi-tour, va rejoindre Simon-Pierre et l’autre disciple. Et leur déclare sans ambages -alors qu’elle n’est pas entrée dans le tombeau et n’a donc rien vu de ce qui s’y trouvait ou non-  : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis. » 

Comme dans la Genèse, difficile d’interpréter son “nous“ puisque Marie de Magdala est seule. C’est peut-être simplement de la confusion dûe à un certain état de stress.

Quoi qu’il en soit, à ces mots, les deux disciples accourent.

En arrivant, Simon-Pierre s’engouffre dans le tombeau. Jean réfléchira à deux fois avant de s’y risquer.

Mais l’un et l’autre entrent et regardent. Ce que Marie fera après.

Pierre regarde, méticuleusement. Il considère la scène comme un bon inspecteur. Il observe que les bandelettes ont été soigneusement pliées et le linceul tout aussi soigneusement roulé, à part. Il en déduira sans doute, que le corps de Jésus n'a pas été volé. Les voleurs n’auraient pas pris le temps de faire le ménage derrière eux.

De Jean, on pourrait dire que lui, il regarde avec le cœur. Qu’il cherche à prendre la mesure de ce qu’il voit, respectivement de ce qu’il ne voit pas. Qu’il convoque autant ses tripes que son cerveau pour appréhender cette réalité.

Et alors, saisi par je ne sais quoi, il croit on ne sait trop quoi. Le texte n’est pas des plus clairs…

 

Après “cela“, les disciples s’en retournèrent chez eux.

Franchement, vous seriez partis comme si de rien n’était, vous ?

Moi, pas sûr.

Mais probablement que Simon-Pierre et Jean non plus.

Nos traductions sont trompeuses. Après quoi, les disciples s’en retournèrent chez eux.

Le grec de ce verset dit en fait : « Les disciples s’en retournèrent donc de nouveau vers eux ».

Ils s’en retournent vers eux…

 

Après la découverte du tombeau vide, est donc venu le temps de l’introspection. Du retour vers soi.

C’est le temps de la religion dans la première de ses étymologies : relire, repenser, analyser pour comprendre.

Le retour vers soi non dans cette capacité si développée que nous avons toutes et à tous à nous regarder le nombril en pensant que le monde va tourner autour.

Le retour vers soi non plus dans la peur et l’incompréhension qui verrouillent nos existences plus sûrement que n’importe quelle prison.

Le retour vers soi qui, en permettant de relire les évènements, permet de comprendre et remet en lien. C’est la seconde étymologie de la religion : être remis en lien avec soi-même, avec les autres, avec le Tout-Autre.

Relire les évènements passés. Relire le tombeau vide. Relire les paroles et les actions de Jésus. Relire la tradition. Relire les signes.

Puis, fort de cela, se reconnecter à soi et à son histoire. Retisser le lien communautaire. Raviver la relation à Dieu.

 

Ce matin, à la suite de Simon-Pierre et Jean, je vous y encourage : prenez le temps du retour vers soi. Prenez le temps de relire votre vie et votre histoire à la lumière de ce récit de Pâques.

 

Voyez-y les tombeaux et les pierres roulées.

Les nuits métamorphosées par des petits matins extra-ordinaires.

Les peurs transcendées par autant de joies.

Les sentiments d’impuissance et les brèches ouvertes.

Les blocages et les élans inexpliqués qui permettent de rester debout ou de se remettre en route.

Vendredi Saint avait donné l’impression de fermer la porte à la vie, Pâques la ré-ouvre tout grand.

Il y eut un soir, il y eut un matin…

Il y aura encore un soir, il y aura encore un matin… À chacune et chacun d’écrire la suite de cette histoire.

 

Line Dépraz

 

  • Lecture de jean 20 : 1 à 10

 

Le premier jour de la semaine, à l’aube, alors qu’il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court, rejoint Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis. Alors Pierre sortit, ainsi que l’autre disciple, et ils allèrent au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois, il n’entra pas. Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait ; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là, et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n’avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. C’est alors que l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut. En effet, ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts. Après quoi, les disciples s’en retournèrent chez eux.